“Je suis un sportif de haut niveau”, “Je fais du sport de haut niveau”. Certains d’entre nous, moi y compris, ont déjà pu prononcer ces deux phrases dans leur vie, mais que signifie exactement être un sportif de haut niveau ? Le sport de haut niveau est-il quelque chose que l’on fait, ou quelque chose que l’on est ?

En 2019, je suis devenu champion d’Europe U23, j’ai obtenu une 12ᵉ place aux championnats du monde seniors et j’ai reçu pour la première fois un contrat de sportif de haut niveau. Depuis, je me sentais à l’aise de répondre à la question “Et toi, que fais-tu dans la vie ?” par : “Je fais du sport de haut niveau.”

ne réponse vague pour beaucoup. Sportif de haut niveau… Être payé pour son hobby ? Profiter de la belle vie à l’étranger. Vivre de l’argent du contribuable. Reporter la “vraie” vie. Une vie sans soucis. Des remarques et des conversations qui m’ont fait prendre conscience que je vivais sur un nuage doré. Un nuage si haut perché que j’ai commencé à ressentir une peur extrême d’en tomber.

En ce moment, je suis actif comme sportif de haut niveau. Tant que j’atteins les objectifs que je me suis fixés, je conserve ce statut. Si je n’arrive plus à réaliser mes objectifs, viendra le moment où je devrai retourner à la vie sociétale “normale”, pleine d’exigences et d’attentes. Cette pensée angoissante, qui s’est progressivement formée sur une longue période, est finalement devenue déterminante.

l y a eu un moment où j’ai connu quelques revers. Craignant de perdre mon statut de sportif de haut niveau et inquiet de ce que l’avenir me réservait, j’ai commencé à réfléchir à ce que pourrait être mon futur. Il y a de nombreuses années, lorsque j’étais étudiant en informatique appliquée, j’avais lancé une entreprise indépendante qui me permettait d’aider différentes personnes à concrétiser leurs idées de sites web et de logiciels. J’aimais relever de grands défis. Je me retrouvais souvent dans des situations où j’étais persuadé de pouvoir y arriver, mais qui, rétrospectivement, me coûtaient beaucoup de sueur et de larmes. Je devais sans cesse faire des recherches, apprendre de nouvelles choses, ajuster mes idées et prendre parfois quelques risques. Tout cela, je le faisais durant mon temps libre, entre les entraînements. Je le vivais souvent comme un moment de détente, un moyen de décrocher et de rester aussi mentalement actif.

Au moment où j’ai perdu mon contrat, j’ai heureusement reçu le soutien du VDAB qui m’a permis de continuer pendant au moins deux ans sans aucune conséquence. Je pouvais continuer à faire du kayak et je n’avais pas besoin de postuler pour un emploi. En revanche, je devais réfléchir à mon avenir. J’avais déjà eu du mal à expliquer ce qu’était un sportif de haut niveau professionnel, alors encore moins un chômeur “professionnel”

L’obligation de réfléchir à ma carrière après le sport de haut niveau m’a peu à peu donné une image plus claire de qui je voulais être et de ce que je pourrais faire. Il est devenu évident que je voulais continuer à me battre pour toutes les valeurs et tous les principes que j’avais défendus au cours des dernières années. Des opportunités se sont présentées et, soudain, j’en suis arrivé à l’une de mes plus grandes conclusions personnelles.

Je suis qui je suis et non pas ce que je fais. Ce que je fais découle de qui je suis.

Qui je suis, c’est ce que je défends. Et ce que je défends détermine qui je peux être.

Les autres ne décident pas de qui je suis, mais bien de qui je veux être pour eux.

Qui suis-je ? Je suis moi.

J’ai pris conscience que je suis un sportif de haut niveau dans tous les aspects de ma vie. Dans le passé, aujourd’hui et dans l’avenir. J’étais un sportif de haut niveau quand j’étais enfant, je le suis aujourd’hui et je le resterai toujours à l’avenir.

Cette pensée a fait disparaître ma crainte de la fin. Elle m’a libéré pour que je puisse regarder ma valeur personnelle et mes objectifs. J’ai retrouvé le courage de chercher sans peur la limite. De donner chaque jour 100 % sans penser aux conséquences possibles. De savourer chaque instant, chaque défi.

Le sport de haut niveau n’est pas ce que tu fais, c’est ce que tu es.